Le self-stockage, en tant que catégorie d’investissement immobilier, a émergé aux États-Unis il y a plusieurs décennies. Aujourd’hui, il constitue un secteur pleinement mature, représenté par quatre grandes sociétés d’investissement immobilier cotées en bourse (REITs) et un volume annuel moyen d’investissements de 14 milliards de dollars. En Europe, en revanche, ce secteur reste relativement jeune. Cependant, depuis la pandémie, son développement s’accélère grâce à sa résilience opérationnelle et à l’intérêt croissant des capitaux institutionnels.
Dans un contexte de hausse des coûts du logement, les consommateurs européens recherchent des solutions de stockage pratiques et abordables. Cette demande, tirée par les ménages, s’accompagne de barrières élevées à l’entrée pour les nouveaux acteurs et d’un marché encore fragmenté. Ces facteurs structurants, associés à des besoins de stockage diversifiés, créent un terrain favorable pour les investisseurs.
En 2023, les investissements institutionnels dans le self-stockage en Europe ont atteint un milliard de dollars, soit deux fois les volumes typiques d’avant la pandémie. Cette accélération reflète une prise de conscience des opportunités offertes par un secteur en pleine expansion. Contrairement à d’autres segments immobiliers, la demande de self-stockage est largement découplée des cycles économiques et s’appuie sur des moteurs stables tels que les « 4 D » : décès, divorce, déménagement et diminution de la taille des ménages.
En Europe, le stock total de self-stockage en 2023 s’élevait à 14 millions de mètres carrés, répartis dans un marché de près de 500 millions de personnes. À titre de comparaison, les États-Unis, avec une population inférieure d’un tiers, disposent de 195 millions de mètres carrés de surface locative brute. Le stock par habitant en Europe est de 0,3 pied carré, soit moins d’un vingtième du niveau américain.
Cette sous-représentation est encore plus flagrante dans les grandes économies européennes telles que l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne, qui affichent un niveau d’équipement bien inférieur à celui du Royaume-Uni, leader du marché avec 40 % des stocks et 33 % des installations.
L’Europe de l’Ouest est une région fortement urbanisée, où les grandes villes comme Londres, Paris et Madrid sont jusqu’à trois fois plus densément peuplées que leurs homologues américaines. Cette densité urbaine soutient la demande de self-stockage en dépit des fluctuations économiques. Par ailleurs, les taux élevés de mobilité dans des régions comme le Royaume-Uni et la Scandinavie stimulent davantage ce marché. En outre, la pénurie chronique de logements dans les grandes villes européennes renforce le besoin de solutions de stockage alternatives.
La crise du logement, exacerbée par la pandémie, a amplifié les coûts de l’immobilier. Dans des villes comme Londres, Stockholm et Dublin, les loyers représentent désormais jusqu’à 48 % du revenu des ménages. Face à cette pression, de nombreux ménages optent pour des espaces de vie plus petits, augmentant ainsi la nécessité de recourir à des solutions de self-stockage pour optimiser leur espace de vie.
En Europe, environ 30 % de la demande de self-stockage provient des entreprises, contre une proportion nettement plus faible aux États-Unis. Les détaillants, artisans et startups utilisent ces espaces comme des solutions économiques pour leurs besoins logistiques. Cette diversification des clients permet de réduire la dépendance à une seule catégorie de demande et de mieux absorber les chocs économiques, comme en témoigne la résilience des opérateurs européens pendant la pandémie.
En dépit de sa jeunesse, le secteur européen du self-stockage offre des rendements attrayants soutenus par des fondamentaux solides. En 2023, les principales sociétés cotées en bourse en Europe, comme Shurgard et Big Yellow, ont rapporté des croissances des loyers comprises entre 6 % et 7 %, avec des taux d’occupation dépassant 80 %. Contrairement au marché américain, où la surproduction peut entraîner des baisses de performances, l’Europe bénéficie de barrières élevées à l’entrée qui limitent les risques d’offre excédentaire.
De plus, la courte durée des contrats de location dans le self-stockage – souvent mensuelle – permet un ajustement rapide des tarifs face à l’inflation. Cette flexibilité constitue un avantage unique dans le contexte post-pandémique, où l’inflation reste une préoccupation majeure.
Le marché européen du self-stockage est marqué par une forte fragmentation. Les dix principaux opérateurs ne contrôlent qu’un quart des installations, laissant une majorité de petites entreprises familiales gérer de petits portefeuilles. Ces acteurs, souvent limités en ressources et technologies, offrent un potentiel significatif pour les investisseurs capables d’apporter des capitaux et des expertises opérationnelles.
Les stratégies de création de valeur incluent l’optimisation des prix grâce à des outils dynamiques, la formation des équipes et la mise en œuvre de technologies modernes pour améliorer l’efficacité opérationnelle. Une étude britannique de 2021 a révélé que les grands opérateurs professionnels peuvent générer des loyers supérieurs de 35 % à ceux des petites structures, même après avoir pris en compte les facteurs de marché locaux.
En plus d’être rentable, le self-stockage présente un faible impact environnemental. Avec des émissions de seulement 7 kg de CO₂ par m², les installations de self-stockage sont nettement plus durables que les bâtiments industriels ou les centres de données. Cette faible intensité carbone réduit les coûts futurs d’adaptation aux normes environnementales et renforce l’attractivité de ce secteur auprès des investisseurs soucieux des critères ESG.
Pour atteindre les niveaux de pénétration observés au Royaume-Uni, le stock de self-stockage en Europe de l’Ouest devrait tripler. Cependant, des contraintes telles que la rareté des terrains et les réglementations strictes limiteront probablement la vitesse de cette expansion, assurant ainsi une croissance modérée mais durable.
Les volumes d’investissement continuent d’augmenter, alimentés par des transactions notables et l’entrée de nouveaux capitaux institutionnels. En 2023, les volumes annuels ont atteint 1 milliard de dollars, soutenus par des acquisitions importantes comme celles de Lok’n Store au Royaume-Uni et de plateformes allemandes par Shurgard.
Le self-stockage en Europe combine protection contre les risques, rendements solides et potentiel de croissance élevé. Dans un contexte économique incertain, ce secteur offre une rare combinaison de stabilité et de flexibilité, attirant ainsi un éventail croissant d’investisseurs. Pour ceux qui cherchent à diversifier leurs portefeuilles et à s’engager dans un marché en pleine mutation, le self-stockage représente une opportunité stratégique à forte valeur ajoutée.
En investissant dès maintenant, les acteurs peuvent non seulement bénéficier des tendances favorables du marché, mais aussi jouer un rôle actif dans la structuration et la maturation de cette industrie prometteuse.